Le caillat


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Le caillat,

 

Le petit lait a coulé par les trous percés autour du récipient. J’ai secoué pour bien égoutter, j’ai renversé le petit pot dans le bol, le fromage s’est démoulé sans se casser, j’ai nappé de belle crème liquide, un peu de sucre, j’ai posé le bol devant lui.

Oui, je sais, à Paris vous dites du fromage blanc en faisselle, ou moulé à la louche, ici c’est du caillat. Nous ne l’avons pas acheté au supermarché, nous sommes allés le chercher à la fruitière, c’est pour ça que les fromages sont si gros et la crème si belle ! Même si ce n’est pas tout à fait comme dans mon enfance…

Tous les matins, le laitier passait et ramassait les 3 bidons de lait que l’oncle avait amenés sur le bord de la route. Une fois par semaine il laissait un bidon de petit lait surmonté de son caillat. Du caillat maigre, la crème avait été enlevée pour faire le beurre. Il laissait aussi deux plaquettes de ce beurre et un pot de crème. C’était mon jour préféré pour manger le caillat, nappé de cette crème toute liquide et bien jaune, une crème comme on n’en voit plus maintenant, et qui devenait dure comme du beurre dès le lendemain.

L’oncle le mangeait avec du sel et du poivre, et parfois la tante en faisait de la galette au « quemeau », on peut appeler ça de la tarte au fromage blanc… c’était un régal !

Bien sûr, on ne mangeait pas le bidon entier ! En fait, il n’était pas pour nous, mais pour les animaux. Le petit lait était ajouté à la pâtée des jeunes cochons. Le caillat mélangé à de la farine de maïs devenait la nourriture des poussins, mais surtout celle des poulets mis en « épinette » pour les engraisser avant d’aller les vendre au marché.

L’acheteur vérifiait le contenu de la cage, il en sortait une ou deux bêtes, la tenait par les pattes la tête en bas, soufflait sur les plumes du derrière de l’animal, la chair apparaissait … Il proposait un prix… Et la discussion s’engageait… Et les billets passaient d’une main dans l’autre… Et les poulets changeaient de cage…

J’ai montré à Mattéo comment manger le caillat, en attrapant délicatement
avec la cuillère, sans mélanger vraiment, un peu de fromage, de crème et de sucre…

– C’est vraiment bon, moi j’en mangerais bien tous les jours !

Il fait une grimace:

– Papa lui, il mélange tout, et ça fait des grumeaux.


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