Les poirottes
Henri et Lisette étaient dans leur potager ce matin, c’est en les écoutant que j’ai compris la réflexion de Lisette : » Une femme ça s’occupe toujours, mais un homme à la retraite, c’est pas toujours marrant ! »
– Oh ! Mais c’est pas vrai ça, Henri, qu’est-ce que t’as fichu !
– Ben quoi, qu’est-ce que j’ai fichu, tu m’as pas dit de repiquer les poirottes ce matin ?
– Si justement, je t’ai dit de les repiquer ! Et t’appelles ça repiquer toi ! Qu’est-ce que je vais mettre dans la soupe cet hiver ? Si j’y mets ce qui va pousser, moi j’aurai de la soupe à la grimace. C’est pas comme ça qu’on repique les poirottes, franchement pour faire ça, y’avait pas besoin de les déterrer, tu les a remis exactement comme elles étaient….
– Ben, j’te demande pardon, j’les ai mis là où c’est qu’t’avais dit, et j’les ai espacées comme t’avais dit.
– Ah ! ça oui tu les a espacées, tu les a même tellement espacées que j’sais pas où j’vais mettre la mâche moi.
– Voilà qu’il est pas assez grand le jardin maintenant !
– Mais si t’y mets que les racines dans la terre, y sera tout vert ton poireau, y’aura qu’du vert, et dans la soupe qu’est-ce qu’on met : pas le vert, le blanc…et pour avoir du blanc il faut les enfoncer profond dans la terre les poirottes, faut pas y mettre juste les racines…
– Et tu m’l’as dit ça, quand tu m’as demandé de les repiquer ?
– Ben bon sang tout le monde sait ça !
– Ben moi, j’suis pas tout le monde et j’y savais pas, et puis si ça te conviens pas, t’avais qu’à y faire. Le jardin c’est un truc de femme, j’aurais pas du m’en mêler, j’ai fait ça pour te rendre service et j’me fais engueuler ! On m’y reprendra pas !
– Oh ! mais j’t’engueule point ! C’est juste qu’y faut y refaire, et la prochaine fois t’y sauras…Tiens regarde, tu les enfonces de tout ça, et c’est pas la peine de mettre un mètre entre chaque…
– Ben fais-y toi, madame je sais tout, moi j’rentre, j’vas lire mon journal, j’l’avions point lu aujourd’hui pour replanter tes poirottes !
– Oh, la la, on peut vraiment rien te dire.
Et, il sort du jardin, l’Henri, et il marmonne, et il hoche la tête en traversant la route pour rejoindre sa maison.