Le four à pain

Le four à pain
 
 

Tous les ans on se retrouve entre voisins du hameau. Chacun apporte un plat, une spécialité à faire découvrir, ou un régal qui revient chaque année parce que tout le monde le réclame. Et on partage, et on discute, et on se raconte les nouvelles, et on rit. On passe l’après-midi ensemble, ça crée des liens, ça entretient les amitiés.

Cette année, ils ont réclamé, les voisins : « Tu n’as jamais allumé ton four pour nous ! »

Oui, il y a un vieux four à pain devant la maison.

Chaque ferme avait le sien, mais beaucoup ont été laissés à l’abandon, se sont dégradés, ont été démolis, une grande chance que le nôtre ait résisté aux assauts du temps. Il était recouvert d’une sorte de casquette de tuiles plates qui n’avait rien d’élégant mais qui l’a protégé.

C’est Roger qui a remonté la maison de four. Il a fait la charpente pendant son premier hiver de retraité. Au printemps, on a reconstruit avec lui les piliers de brique sans oublier d’y ménager les bournettes : petites cavités, pas vraiment prévues à l’origine pour y installer des géraniums ! On a refait l’arrondi de l’entrée du four, consolidé la cheminée, posé la charpente, puis les tuiles : d’authentiques « tiges de bottes » qui provenait de la démolition d’une vieille maison.

C’était dit : on allumerait le four !

Des fagots sont arrivés en renfort, dès la veille, car il faut commencer à chauffer tôt le matin. C’est encore Roger qui nous a appris à le faire. Il faut six grands fagots de bois. Il nous a montré comment placer le premier à l’entrée du four, comment l’allumer, attendre que les braises se forment, et au fur et à mesure de leur apparition, le pousser lentement, puis pousser avec le deuxième fagot, puis le troisième, jusqu’au sixième, de façon à ce qu’il y ait de la braise dans tout le four jusqu’au fond, refermer la porte, et attendre… Une, deux heures… C’est la « creupe » qui dira si le four est à bonne température : un morceau de pâte à pain, aplati en une sorte de galette, sur laquelle on met de petits « câtons » de beurre.

Tout le monde a cuisiné, apporté de quoi le garnir : des saucissons en brioche, des gratins de pomme de terre mais aussi de courge – pas n’importe quelle courge, de la grosse courge ancienne, la courge verte qui poussait dans les champs de maïs – des galettes au quemeau avec du vrai fromage blanc de la fruitière, des tartes aux fruits, des galettes au sucre et à la crème fraîche, sans oublier des galettes sèches… Et aussi des pizzas, même si ce n’est pas tout à fait régional, c’est si bon ! Le pain, non, on n’a pas fait la pâte, on l’a achetée crue chez « Mitron » le boulanger du village, mais on l’a fait cuire !

Les creupes sont à point. Vite, il faut sortir la braise, la mettre dans le barbecue, passer le chiffon mouillé sur la sole du four avec la grande raclette pour le nettoyer.

On fait la file avec les plats à enfourner, la viande, les gratins épais au fond, puis les miches de pain, les tartes et devant, les galettes et les pizzas plus vite cuites et sorties. On referme, il n’y a plus qu’à attendre. Combien de temps ? Ce n’est pas vraiment défini, dans une demi-heure, on regardera et on estimera…

Maintenant, on va mettre à cuire les saucissons au vin. On fait un cornet avec le papier du boucher, on y met du vin, du bourgogne bien sûr, puis le saucisson. On referme soigneusement en tortillant sur lui-même le papier. On roule le tout dans du journal et on met dans le barbecue en ayant bien soin de recouvrir de braise, il ne faut pas que l’air puisse passer. Dans une demi-heure on le mangera et on étonnera ceux qui ne savent pas qu’on peut lire le journal en le sortant de la braise !

En attendant, on va partager les creupes en prenant l’apéritif, vin blanc de bourgogne et cassis, cela va de soi !

On a vu trop grand cette année encore, on voit toujours trop grand quand on fait au four, on s’est retrouvé tous le lendemain pour manger les restes.

Four

 

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