Les escargots.
Le soleil n’est pas là ce matin. Le ciel est très chargé, la pluie pourrait bien s’installer pour la journée. Ne râle pas, de la pluie il en faut, et tous les étés il y en a, et heureusement. C’est le jardin qui va être content, et les maïs du champ d’à côté encore plus !
Ce temps me fait penser au grand-père.
Les jours de gros déluge comme aujourd’hui ne l’effrayait pas. Il chaussait les bottes, enfilait le ciré, prenait un panier d’osier, celui au couvercle avec un trou au milieu, il s’armait d’un bon bâton et parcourait la campagne. On le voyait le long des chemins, taper les fourrés de ronces et d’orties, se pencher, ramasser, ramasser encore les « bourgognes », les accumuler dans la paume de sa main, puis les faire passer entre le pouce et l’index pour les laisser glisser dans la fente du panier.
Au retour, il les mettait dans la grande cage grillagée, avec les autres, ceux qui attendaient déjà. Il leur parlait: «Allez mes jolis, mes tous beaux, vous serez bien ici, vous aurez de la compagnie, et moi je vais vous nourrir avec rien que des bonnes choses, vous serez les joyaux de la fête »
Au fil des jours de pluie, l’élevage grandissait et c’était aux enfants de s’en occuper, lavage au jet d’eau, fourniture de nourriture fraîche…. je peux te dire qu’on n’aimait pas vraiment ! Mais impensable d’échapper à la corvée !
Lorsqu’il y en avait suffisamment, il était décidé d’un jour pour les préparer. Pas n’importe quel jour, un jour important: la fête du village, le 15 Août… Et selon la quantité, on invitait plus ou moins de monde. Et plus ou moins de monde aussi pour participer à la préparation.
Non ! il n’y avait pas que les escargots à manger, mais ils étaient le met de choix du repas, servis en entrée, juste après le hors d’œuvre, ensuite venaient la viande en sauce, puis les légumes, puis la viande rôtie, la salade, le fromage, la tarte aux fruits, les fruits au sirop, le café avec la brioche ou la tarte sèche, enfin l’incontournable marc pour les hommes et les cerises à l’eau de vie pour les femmes…Bien sûr qu’il y avait du poulet ! A la crème et aux morilles le plus souvent, ou rôti, en Bresse comment faire autrement ?
Ah ! oui, les adultes passaient l’après-midi à table ! Mais les enfants en étaient dispensés, pour eux, le bonheur, c’étaient de retrouver tous les cousins !
La fête commençait la veille, avec leur préparation. De bon matin le pépé sortait le poêle à deux feux dans la cour, le chargeait en bois et l’allumait. Il posait dessus la grande lessiveuse à moitié remplie d’eau, lorsqu’elle bouillait, il y mettait la brassée d’orties qu’il avait cueillie le matin même, puis on y jetait les gastéropodes.
Ah ! oui, nous aussi on trouvait ça cruel, mais on nous affirmait qu’ils ne souffraient pas, qu’ils mourraient tout de suite et que si on voulait les manger….
On les sortait de l’eau et on se retrouvait tous dans la cuisine. Ils étaient nombreux autour de la table à les sortir de leur coquille, à les mettre un à un dans les petits godets, à les recouvrir de beurre aillé…
Mais lorsqu’à peine sortis du four, ils atterrissaient dans notre assiette ! Tu comprends ils avaient une histoire ces escargots-là, on ne les avait pas sortis du congélateur !